La Turquie en 100 questions by Dorothée Schmid

La Turquie en 100 questions by Dorothée Schmid

Auteur:Dorothée Schmid
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Tallandier
Publié: 2023-04-06T07:14:43+00:00


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Que représente la place Taksim à Istanbul ?

« Place publique à l’état pur1 », la place Taksim, située à Istanbul en lisière du quartier européen de Beyoğlu, a toujours été un espace de démonstration architecturale et de concurrence idéologique. Le nom de taksim (« partage ») rappelle qu’elle était au XVIIe siècle le point de convergence et de redistribution des canalisations d’eau du Nord de la ville. Elle occupe un espace occupé sous l’Empire ottoman par des cimetières, dont le grand cimetière arménien de Pangaltı, fermé en 1931 et totalement détruit – les travaux conduits sous la place font régulièrement remonter des ossements. Une vaste et moderne caserne militaire y avait été construite au début du XIXe siècle ; le bâtiment a été sévèrement endommagé à la suite d’une insurrection anti-Jeunes-Turcs en 1909, et le projet de le reconstruire est à l’origine de la contestation de Gezi en 20132.

La configuration présente de la place date des années 1930. Elle était l’un des principaux éléments du plan directeur d’Istanbul imaginé par l’architecte français Henri Prost, s’inscrivant au cœur d’un quartier chic, dans une symbolique républicaine forte. Le Gezi Parkı remplaçait les casernes, la place était reliée à İstiklâl Caddesi (avenue de l’indépendance), Cumhuriyet Caddesi (avenue de la République) et İnönü Caddesi (avenue İnönü, le compagnon et successeur d’Atatürk). Le monument à la République érigé en son centre et le centre culturel Atatürk construit en 1969 à l’est de la place parachevaient cet apparat républicain. Après guerre, Taksim est devenu le grand espace de transit que l’on connaît aujourd’hui – longtemps nœud du trafic automobile, désormais piétonnisée, elle reste une plateforme multimodale entre lignes de métro, proximité des terminaux de bus et tramways menant au Bosphore.

« Moi qui vis à Istanbul depuis soixante ans, je ne connais pas dans cette ville une seule personne qui n’ait au moins un souvenir lié d’une façon ou d’une autre à la place Taksim », affirme Orhan Pamuk3. Lieu très vivant, au confluent de quartiers populaires et d’autres plus huppés, Taksim est aujourd’hui un endroit très touristique, abritant quantité d’hôtels, de restaurants et de boutiques. Cette neutralisation consommatoire vise sous l’AKP à maîtriser la culture contestataire de gauche attachée à la place depuis la fin des années 1960. Elle a en effet été dans le passé le théâtre d’événements tragiques : le 16 février 1969, lors du « dimanche sanglant », cent cinquante militants étaient blessés dans des heurts avec l’extrême droite ; le 1er mai 1977, trente-quatre manifestants de gauche étaient tués et des centaines blessés à la suite d’une fusillade généralement attribuée à l’État profond4. Après la grande mobilisation de Gezi en 2013, Taksim a de nouveau été massivement occupée par des manifestants, CHP puis AKP, dans les jours suivant la tentative de coup d’État de juillet 2016. Les rassemblements sont depuis extrêmement contrôlés et le lieu surinvesti par les forces de sécurité turques. La rénovation de la place suit son cours, illustrant encore les luttes de fond idéologiques. Tayyip Erdoğan y a inauguré



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